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Enseignement défense : Infirmiers de Guerre, le Major Rose-Marie et l’Adjudant Guillaume témoignent
17 février 2022
Le 1er
février 2022, les classes de Défense de Barral ont eu la chance de recevoir les
témoignages de deux infirmiers militaires qui leur ont parlé de leur métier
ainsi que de leur rôle dans les différentes opérations auxquelles ils ont pu
participer.
Les
deux conférenciers étaient la Major Rose-Marie et l’adjudant Guillaume, du 8e
RPIMa de Castres.
Le Major a expliqué son expérience en tant qu’infirmière militaire, et son témoignage nous a particulièrement touché peut-être parce que c’est une femme et que nos classes de Défense sont en majorité…féminines ! Elle nous a beaucoup impressionnée par son dynamisme, la force de caractère qu’elle dégageait tout en restant douce et pleine d’humour. Une belle image de la femme engagée et courageuse à laquelle nous aimerions plus tard ressembler !
Engagée dans l’armée, en
2001, à l’âge de 18 ans elle rêvait de voyager. Pendant quatre ans, elle a
suivi ses études à l’école paramédicale de Toulon et a été diplômée en 2005. Elle intégra ensuite le
régiment de parachutistes de Tarbes, en 2006, avec le grade de Sergent, y
restant jusqu’en 2008. Les femmes étaient encore assez rares dans l’armée et
surtout l’Armée de Terre. Dans le régiment de Tarbes (35 RAP), par exemple, sur
les 1600 personnes qui en faisaient partie en 2006, on comptait seulement 10
femmes et la grande majorité d’entre elles étaient à l’administration. Elle appartenait à une équipe médicale du 35 RAP
destinée à renforcer le 8eRPIMa. D’où l’importance de la préparation pour
pouvoir s’intégrer au 8 et le connaître ! En effet, entrer au prestigieux
8, c’est dur ! reconnut-elle avec un grand sourire, mais une fois que l’on est accepté pour ses compétences, sa valeur, ses capacités, c’est une vraie famille ! (et le
sourire se fit encore plus grand sur le visage du Major Rose-Marie. Pour eux, éléments extérieurs au 8, ce
temps de préparation de 6 mois a été essentiel pour le bon déroulement de la mission. Elle a ensuite été mutée, en été 2009, au 2eRPIMaà la réunion puis en 2011, à l’ETAP (école des troupes
aéroportées) de Pau. Et en 2014, jeune mariée, elle a rejoint le 8 pour rapprochement
familial. Et il a fallu à nouveau refaire ses preuves !
A la fois infirmière et combattante, elle a appris à sauter en parachute. Lorsqu’elle s’est engagée, c’était un jeune sergent, une jeune diplômée et une femme : elle a donc appris des anciens, et surtout elle a « rasé les murs » dans ce monde très masculin car il fallait vite apprendre à se positionner et à imposer sa marque, savoir se faire respecter pour ses compétences et ses qualités tant professionnelles que physiques.
Le Major
Rose-Marie a effectué de nombreuses Opex : mission de 5 mois en Côte d’Ivoire,
3 mois et demi dans la région des Balkans et 4 mois en Nouvelle-Calédonie. En
janvier 2008, elle est affectée au 8ième RPIMA de Castres et la
grande différence avec son ancien régiment est qu’il s’agit d’un régiment
d’infanterie alors qu’elle était habituée à un régiment d’artillerie. Elle
prendra sa retraite dans un mois afin de se reconvertir dans le civil, pour des
raisons personnelles, mais elle regrettera beaucoup sa grande famille des paras.
Après cette
présentation, le Major Rose-Marie a développé son récit Afghan.
Retour en décembre 2007 : son chef lui demanda de prendre trois semaines de
permissions (« vacances ») afin de se reposer avant les six mois de préparation
pour aller en Afghanistan.
Pour cette mission en Afghanistan, la préparation fut très longue : les soldats et les infirmiers militaires, entre autres, devaient savoir se repérer et utiliser des données GPS, avoir des automatismes de réactions en cas d’urgence comme sécuriser rapidement une zone avant d’aller chercher un blessé par exemple, et l’entrainement physique fut aussi intensif. En effet, sur des terrains aussi accidentés et difficiles que l’Afghanistan aucun des éléments d’un groupe ne pouvait se permettre d’être une charge pour les autres ou de risquer, par son comportement, sa fatigue, de les mettre en péril. Il fallait absolument se maintenir en forme car l’équipement, lors de patrouilles, pesait au minimum 30 kg et les soldats ainsi qu’infirmiers militaires devaient être capables de se déplacer partout et très vite, même avec cette charge. Parfois, elle fut assignée au rôle d’élément national d’urgence et elle devait donc être prête à partir au maximum 24 heures après avoir été appelée. De plus, elle reçut une sensibilisation à la géopolitique et aux us et coutumes locaux pour faire attention à ne pas commettre d’erreurs diplomatiques. En mission, ce ne sont pas seulement des soldats qui partent mais des gens différents dont un certain nombre sont présents pour supporter les soldats et optimiser leur efficacité. On trouve par exemple des cuisiniers, des médecins, des infirmiers…
En juin 2008, après 6 mois de préparation,
elle embarqua pour l’opération en Afghanistan. Sur les 150 membres de la
mission, il y avait seulement 2 femmes et elle était la seule infirmière. Sa
principale activité consistait à patrouiller avec un groupe de soldats, pour
protéger la population locale, chercher des informations. Il y avait, au
minimum, une patrouille par jour. Comme les soldats, elle était entièrement
équipée avec un gilet pare-balles, un sac avec des vivres et de munitions, une
arme à feu et une trousse de secours avec tout le nécessaire pour soigner en
cas d’urgence.
Dans son campement, au Nijrab, rien n’était installé à leur arrivée, ils ont donc tout monté seuls : lits de campement, toilettes de campagnes, douches de campagnes. Elle raconta qu’elle était constamment sur ses gardes et qu’elle dormait avec son arme. Elle nous confia également qu’après l’évènement d’Uzbin, la solidarité et la volonté de se battre avaient été encore plus renforcés, car la perte de leurs frères d’armes les avait tous touchés. Participant à de nombreuses patrouilles, elle a eu l’occasion de tirer pour dissuader les adversaires de s’approcher et de soigner bon nombre de personnes dont des alliés Américains, des Afghans, voire des Talibans.
La
mission était partie pour durer 4 mois mais le régiment resta en fait 6 mois en
Afghanistan. Son quotidien était le même
chaque jour : patrouille avec sac de survie pour 24 heures, armes, package
médical, gilet par balles, etc.
Elle
a évoqué, avec beaucoup de tact, la difficulté d’être une femme dans l’armée,
un monde rempli d’hommes. Il était compliqué de s’imposer car, à l’époque, les
femmes étaient vraiment très rares dans l’armée. Pour un même grade, une femme
devait faire ses preuves encore plus que les hommes et elle avait moins le
droit à l’erreur qu’un homme. En effet, la condition physique des femmes, en
moyenne moins robustes que les hommes, pouvait les exposer à des
discriminations venant de leurs homologues masculins. De plus elles avaient
aussi conscience qu’elles ne pouvaient pas être une gêne pour leurs frères
d’armes, donc elles mettaient toute leur énergie dans leur entrainement pour ne
jamais montrer un signe de faiblesse ou de fragilité.
Le
rôle principal d’un infirmier militaire était d’apporter les premiers soins aux
soldats ou aux Afghans blessés. A chaque intervention, il fallait baliser les
lieux avant de commencer à secourir afin d’éviter de mettre en danger tout le
groupe. C’était une règle fondamentale, et il fallait absolument la garder en tête
lors de patrouilles. L’infirmière nous a aussi confié qu’il ne fallait pas que
les Talibans soient au courant qu’une femme patrouillait avec l’armée car elle
risquait alors d’être prise pour cible, c’est pourquoi elle cachait son visage.
Mais comme il fallait obligatoirement un soignant par patrouille, elle n’avait
pas le choix et elle devait participer aux actions au même titre que ses
homologues masculins. Mentalement, c’était très compliqué car la fatigue se faisait
ressentir et parfois un sentiment d’impuissance, surtout quand l’infirmier
échouait à sauver un patient… et ces échecs restent gravés à jamais dans leur
mémoire. Mais il fallait continuer à avancer et à vivre avec, sans perdre de
vue l’objectif de la mission. Elle insista sur le fait que tous les militaires
étaient « formatés » pour faire passer la mission avant leurs propres
pensées, avant leur personne avant tout ! Les soignants étaient ceux,
parmi les soldats, qui étaient en général les mieux considérés par les
populations locales, car non seulement ils les soignaient mais ils étaient
également toujours à l’écoute et grâce aux traducteurs ils pouvaient plus
facilement communiquer. Ainsi par exemple, en Afrique, où les soins sont en
général limités, les soignants étaient presque considérés comme des « sorciers ».
Chaque opération est, en ce sens, un enrichissement culturel.
Son séjour Afghan a développé, chez le Major Rose-Marie, son ouverture au monde et aux autres mais aussi le sens aigu de la fraternité d’armes qui lie tous ceux qui ont participé à des Opex aussi périlleuses, surtout lorsqu’elles sont marquées par des pertes terribles.
Dans
la deuxième partie de la conférence, l’Adjudant Guillaume, un ancien élève de Barral,
nous a parlé de son expérience lors de l’OPEx au Mali en 2018. Il appartenait
alors au 3ème RPIMa et les paras français s’étaient installés près
de Kidal, au nord du Mali. En dehors des patrouilles qui avaient pour but de
sécuriser la zone autour de la base, les militaires restaient dans leurs tentes
car il pouvait faire plus de 50 °C à l’extérieur dans ce pays très chaud, alors
que leurs tentes étaient climatisées. Sous cette chaleur, il était impossible
de travailler entre 12H00 et 15H00 donc ils se reposaient et préparaient les
prochaines patrouilles.
Contrairement
aux infirmiers civils, en mission, les infirmiers militaires remplissent toutes
les fonctions et doivent être prêts à affronter n’importe quelle situation ;
ils sont donc formés autant en pédiatrie, en chirurgie, ou même parfois sur des
traumatismes, donc on peut dire qu’ils sont très polyvalents et complets et son
témoignage rejoint donc celui du Major Rose-Marie qui avait commencé son exposé
de la même façon en soulignant la dimension multitâche de ces soignants de
l’Armée.
Malgré tout, ils peuvent aussi être touchés par des maladies sur le terrain comme le paludisme ou la dengue et dans ce cas, il faut les soigner rapidement. Ils sont régulièrement soumis à des tests pour vérifier leur condition physique ou leur capacité à réagir rapidement. L’institution prend en charge tous les dégâts post-combat : les blessés moraux et physiques. Et les formations continues, les sauts en parachutes, etc. sont leurs activités principales lorsqu’ils sont en régiment. Chaque année, ils partent sur le terrain.
Les deux
infirmiers ont confirmé que l’armée est un monde « à part du civil »
et que tous les soldats créent des liens forts, entre eux, au cours des
missions ou des préparations au régiment, ce monde est cloisonné et développe
l’esprit d’une grande famille dans laquelle chacun est solidaire du camarade
engagé avec le même objectif : la défense de la France et de sa population.
Pour terminer, les mots principaux du Major ont été de ne jamais oublier l’objectif et de ne jamais oublier son groupe, une recommandation que nous allons essayer de suivre à notre échelle aussi !
Nous
remercions très chaleureusement les deux conférenciers qui ont bien voulu nous
parler de leur métier et répondre à nos questions : le Major Rose-Marie et
l’Adjudant Guillaume.
Julie
Castel, Timothée Fauré, élèves de 2de classes de défense de Barral
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