Conférence du Général ARAGONES sur « l’Armée de Terre et ses soldats »

9 novembre 2021
Le Général Aragonès, ancien chef de corps du 8ème RPIMA

Mardi 5 octobre, les lycéens (2nde et 1ère) faisant partie du dispositif d’Enseignement Défense, ont eu l’opportunité d’écouter l’intervention du Général Jacques ARAGONES, ancien Chef de Corps du 8e RPIMa (2007-2009). Avant d’être Chef de Corps, il a été lieutenant de 1988 à 1991 puis il est revenu de 2002 à 2004. Enfin, il est devenu Colonel pour prendre l’intégrale responsabilité de l’unité marraine de Castres, le 8e RPIMa. Pour des raisons personnelles, Jacques ARAGONES a quitté l’armée en 2018 et il est maintenant à la retraite mais il continue de faire valoir ses années de services notamment en menant des conférences auprès de la classe défense de Barral.

Cette réunion nous permis d’introduire, en beauté, une des thématiques de l’année « l’Afghanistan, une Opex du «8 » d’hier à aujourd’hui ». En Afghanistan et la hiérarchie de l’Armée. Le Général Aragones commença par évoquer trois exemples de différents parcours militaires pour souligner la valeur de l’engagement surtout quand on est très jeune, et parmi eux il rappela le combat de deux femmes particulièrement courageuses :

Geneviève de Galard

Geneviève De Galard, infirmière militaire surnommée « L’Ange de Dien Bien Phu » car elle fut un élément essentiel de cette bataille en Indochine en 1954. Agée alors de 29 ans, elle était convoyeuse de l’Air, c’est-à-dire qu’avec une trentaine d’autres infirmières volantes (bénévoles jusqu’en 1946), elle s’était investie pleinement au service de la France. Consciente de l’horreur vécue par les soldats assiégés par les troupes d’Hô-Chi-Minh dans la cuvette de Dieu Bien Phu, et des dangers encourus, elle écrivit alors « tous ces combattants méritent qu’on se dévoue pour eux. Dieu me protègera ». Dans ce théâtre de guerre qui, par l’ampleur du carnage, rappelait Verdun, elle travailla sans relâche au sauvetage des blessés. Au moment de la défaite elle décida de rester avec eux jusqu’à ce que, finalement, les troupes d’Ho-Chi-Minh la libérèrent. Nommée « Grand-croix de la Légion d’Honneur » en 2014, elle a toujours rejeté les honneurs inutiles pensant que son engagement, en ce temps de guerre, était normal.

Brigitte Friang, journaliste reporter s’engagea en tant que résistante à l’âge de 19 ans. Elle était alors chargée de l’organisation des parachutages dans la région Ouest. Arrêtée par la gestapo à l’âge de 21 ans, elle fut déportée à Ravensbrück, elle ressortit, après 2 ans en camp de concentration, avec 26kgs en moins, et devint attachée de presse aux cotés de André Malraux. Elle aussi participa à la bataille de Dieu Bien Phu, et souhaita partager jusqu’au bout le sort des soldats, mais elle fut évacuée par l’armée.

Ces deux exemples ont permis au Général de souligner que « la valeur n’attend pas le nombre des années » comme l’affirme Rodrigue dans le Cid. Ils ont aussi illustré l’importance de l’engagement pour une noble cause et pour son pays, ce que font chaque jour des milliers de soldats, quand ils choisissent ce métier, au service de la France et de sa population.

Ces portraits ont servi de trait d’union avec la suite de la conférence qui avait pour but de décrire et expliquer le fonctionnement de l’armée.

L’armée française est née sous l’impulsion de Charles VII le 26 mai 1445 : en effet, par ordonnance, le roi créé alors la première armée permanente à sa disposition. Notre armée a donc cinq siècles !

On y distingue plusieurs armées, formatées par leur milieu :

La Marine se bat la plupart du temps auprès des côtes et sur les mers et océans. Les rencontres avec des forces ennemies en plein océan sont un pur hasard souligne le Général. En effet, il est rare que cet évènement se produise car l’océan est très vaste (71% de la surface de la Terre).

L’Armée de l’Air se déploie dans la troisième dimension : les airs. « Un pilote parlera de vol ! » Ce type de combat permet dans ce milieu-là, d’avoir une vue d’ensemble et de pouvoir traiter les objectifs efficacement. Le seul inconvénient est que l’air est homogène. Aussi, les ennemis peuvent-ils très rapidement repérer les avions de chasse, ces-derniers ayant du mal à se camoufler.

L’Armée de Terre est différente : elle s’occupe de défendre le sol. Sa grande richesse : les hommes et les femmes qui la composent car sans eux on ne fait rien ! L’Armée de terre est celle qui « paie le prix du sang et qui défend le territoire » rappelle le Général. C’est l’armée du commandement, c’est l’armée du nombre qui combat au contact de l’ennemi. Mais elle coûte cher, notamment en salaires, car elle regroupe plus de 123 000 personnes, dont 8000 civils de la défense.

L’armée de Terre a pour but de protéger le territoire national, la population française ainsi que d’honorer les engagements de la France à l’international, en combattant contre le terrorisme par exemple. Elle est placée sous la responsabilité du gouvernement Français. Après avoir rempli des missions de stabilisation et de gestion des crises entre les parties en conflit ( Bosnie, Balkans), en particulier dans les années 90 elle participe désormais à des engagements plus violents ( Afrique sub-Saharienne, Mali, Syrie…) tout en conservant ses possibilités de mettre en œuvre de capacités des reconstruction et d’aide aux populations. L’armée de Terre est unearmée très hiérarchisée car il faut gérer le nombre. 

Quels sont les trois niveaux de grade ?

Les militaires du rang :

  • Soldat (de première classe)
  • Caporal
  • Caporal-chef (il reste en service jusqu’à 27 ans pour les meilleurs)

Les sous-officiers:

  • Sergent ( chef de groupe )
  • Sergent-chef (adjoint dans une section de combat)
  • Adjudant (est chef de section mais peut aussi servir au sein d’état-major essentiellement chargé du service intérieur, de la logistique, des transmissions, de l’exécution des ordres.)
  • Adjudant-chef, il porte un galon de couleur or ou argent (de la même couleur que le métal de son arme) traversé en son milieu par un liseré rouge.
  • Le Major : Grade très récent pour les sous-officiers il est créé en 1972, il porte un galon composé des insignes d’adjudant-chef agrémenté d’un liseré d’or ou d’argent selon son arme d’appartenance.

Les officiers :

  • Sous-lieutenant : ils apparaissent dès 1669,les sous-lieutenants sont chargés des détails du service et de l’instruction.
  • Lieutenant : devient un grade vers 1540,il commande une section.
  • Capitaine : celui qui commande une compagnie, un escadron ou une batterie (une centaine d’hommes).
  • Commandant .
  • Lieutenant-colonel : chef de service dans un régiment ou adjoint du colonel. Ille remplace lors de ses absences.
  • Colonel : C’est à partir de 1803 que le titre s’impose comme grade, il est désigné comme « le père du régiment ».Le colonel porte cinq galons de la couleur de son arme.

Le Général Aragonès a ensuite expliqué ce qu’était un régiment et une brigade. Les deux sont des unités militaires de l’Armée de Terre ; la seule différence étant leur taille et leur effectif. En exemple concret, le 8ème Rpima est un régiment et Toulouse en est sa brigade.

Il a utilisé l’exemple des « poupées russes » pour décrire plus simplement l’organisation des troupes :

GROUPE SECTION COMPAGNIE REGIMENT BRIGADE
10 hommes 4O hommes 180 hommes 1200 hommes 8000 hommes

Chaque compagnie possède son propre emblème (couleur ou animal totem).

  • Un groupe de Combat est dirigée par un Sergent commandant 10 hommes et un véhicule. Elle peut être isolée et en autonomie complète pendant 24 heures. C’est la plus petite entité de manœuvre.
  • La Section de combat est dirigée par un lieutenant ou un adjudant commandant 40 hommes et 4 véhicules. Elle peut agir en autonomie pendant 48 heures. C’est l’unité usuelle de manœuvre.
  • La Compagnie de Combat est l’unité de manœuvre interarmes. 180 hommes répartis dans 4 sections et 25 véhicules sont sous l’autorité d’un Capitaine. Elle peut être en autonomie complète pendant 96 heures.
  • Enfin, le Régiment est une grande unité militaire commandée par un officier supérieur (Colonel ou Lieutenant-colonel). Il existe plusieurs catégories de régiments: l’infanterie, les régiments blindés, ceux du train, etc.. A Castres nous avons le 8e Régiment Parachutistes d’Infanterie de Marine : le 8e RPIMa, identifié par sa chimère. Il est formé de sept Compagnies de Combat de 1200 Hommes et 250 véhicules au total. Trois sections sont réservées pour le combat, une est consacrée à l’appui et une autre au commandement. Le Colonel contrôle tout cet ensemble, c’est le « Chef de Corps ». Son autonomie est aussi de 96 heures.

Comment l’armée de Terre fonctionne-t-elle ?

Se préparer à la guerre :

Il existe trois grands centres de préparation opérationnelle : CEITO (tirs), CENTAC (manœuvres), CENZUB (combat en zone urbaine). Afin de se préparer à la guerre, il est nécessaire de « faire ses gammes » en garnison (unicité du métier), de suivre un séjour dans un camp de manœuvres (Caylus, La Courtine…) et de rassembler les effectifs entraînés avec un lien très fort. Il faut, en effet, entraîner tous les effectifs ensemble. Donc la préparation est commune et les efforts sont collectifs. C’est une mise en condition avant projection (MCP) : le programme est proposé par l’état-major et ensuite amélioré au fur et à mesure. Au total, cette MPC dure de 8 à 12 semaines, axées spécifiquement sur la mission

En 2008, lorsque la mission Afghanistan a été décidée, il faut bien réaliser que l’armée de terre n’avait pas connu d’action aussi violente depuis la guerre d’Algérie, même si on avait en 1991 participé à la Guerre du Golfe (mission Daguet). L’Afghanistan, c’était une mission complexe : entre pacification et actions de combat. En 2008, le Général Aragones, alors Colonel Chef de Corps du 8e RPIMa, a organisé la conception de la préparation pour aller au combat.

Pour réfléchir à une mission, il faut se poser cinq questions :

  • quand : saison,
  • combien de temps ;
  • où : la nature du terrain ; quel est le climat,
  • quel est l’adversaire, avec qui le combat-on ? Alliés, renforts
  • et enfin pour quoi faire ? C’est-à-dire l’objectif de la mission.

Tir niveau physique et combat sont les trois piliers essentiels d’une bonne préparation.

Le combat implique de savoir se déplacer, savoir s’adapter à la rusticité, pouvoir parler anglais car le commandement est international et américain, savoir utiliser la radio américaine, savoir gérer ses munitions…

Il faut également se tenir prêt à gérer des blessés éventuels : c’est-à-dire connaître le secourisme de combat. « Le voisin est celui qui un vous sauve » rajoute le Général et il faut pouvoir compter sur lui et il doit pouvoir compter sur nous. Comme le Général l’a bien expliqué, les blessés graves ont moins d’une heure pour rejoindre une table d’opération avant qu’ils ne meurent. Un blessé de combat doit donc être pris en charge rapidement : entre 2 à 5 minutes. Parfois, un militaire peut être blessé psychologiquement. C’est-à-dire qu’un accident mortel va se produire sous ses yeux et il va en être profondément marqué à long terme. Il va être tellement atteint qu’il ne pourra plus assurer ses fonctions. C’est ce que l’on appelle le stress post traumatique qui a été ignoré pendant des années car on soignait surtout les corps et moins les esprits. Certaines blessures sont terribles : il faut savoir que tout blessé qui a une hémorragie massive mourra en une heure. Donc tout doit être fait en une heure, c’est ce que les soldats appellent la « golden hour » .

Pour l’Afghanistan, chaque compagnie s’est organisée : coordination des feux, gestion des munitions, nécessité d’avoir beaucoup d’obus éclairants.  Les équipements individuels ont aussi été bien préparés : musettes de combat avec trousses de secours et garrots tourniquet. Le coût par personne : 1700 euros et il fallait le prévoir pour un effectif de 750 personnes. C’était donc un véritable effort que l’armée de terre a consenti pour équiper correctement ses soldats

L’équipement est fourni par le gouvernement. Nous pourrions croire que le matériel demandé n’est pas, dans certains cas, indispensable. En effet, voir des lunettes de soleil apparaître sur la liste d’équipements pourrait paraître excessif. Or, les lunettes sauvent les yeux des soldats si, sur le terrain, un explosif tombe à quelques mètres d’eux. Lors d’une mission, un militaire devrait les porter tout le temps.

Durant les combats :

Durant les combats, l’armée de Terre se sert d’armes d’appuis (mitrailleuses par exemple), d’engins blindés comme les chars d’assaut et chars de dépannage. Elle utilise des uniformes de camouflage différents selon l’environnement (désert, forêts) ainsi que des casques de protection. Parmi ses armements, elle use aussi d’engins de ravitaillement (trains…) et mécaniques. En cas de blessés, elle a aussi mis en place un soutien interne à l’armée c’est à dire des médecins militaires et autres infirmiers. C’est le Service de Santé des Armées. Il existe aussi des services spécialisés : services des essences, et en cas de panne ou de dégradation du matériel, des réparateurs. Déploiement pour une mission : On déploie un groupement tactique (800 à 1000 personnes) avec un cœur de métier et on y rajoute des compétences complémentaires pour le combat. Mais il faut créer de la cohésion et apprendre à se connaître pour être vraiment efficace.

Sur le terrain, en temps de guerre il y a toujours trois groupes d’armes, chacune jouant un rôle bien particulier.

Face à l’ennemi on utilise d’abord les armes de mêlée. On y trouve de l’infanterie, la cavalerie, les hélicoptères.

Pour se battre on a aussi besoin d’appui. Les armes d’appui sont : l’artillerie (canon ou mortier) ; le génie (pour franchir les obstacles, qui déminent, font des ponts…) ils aident à la mobilité ou la contre mobilité. Il y a aussi les transmissions : ils raccordent les troupes au réseau de commandement.

Enfin les armes du soutien : le train par exemple, créé par Napoléon, c’est le transport. Elles créent les bases où on place le ravitaillement, tout le matériel à réparer, et les soins d’urgence sont aussi concernés par cette unité. Elles vont s’occuper d’évacuer un blessé grave en moins d’une heure par exemple ou encore gérer le déplacement des soldats en trouvant les voies les plus efficaces à emprunter.

En temps de paix, les régiments s’entraînent et se préparent et surtout ils travaillent à leur cohésion, essentielle quand on doit se battre. La préparation opérationnelle nécessite une formation aux chars, à l’artillerie et à plusieurs autres thèmes divers, vus par périodes, dans une année, en équipes. Cela permet l’entraînement, à l’entraide pour le groupe et individuellement, chacun réussit à maîtriser les bases de plusieurs domaines auxquels le groupe devra faire face. Ainsi le régiment de Castres va s’entraîner régulièrement à combattre à pied, à sauter en parachute, à marcher dans la montagne Noire, à tirer à l’arme en pleine forêt ou encore à conduire sans lumières dans des camps militaires adaptés à ces entraînements.

L’antenne TRS sert à localiser et à intercepter les ondes transmises par des ennemis.

En déploiement, on crée un « groupement tactique », qui réunit autour d’une dominante cavalerie ou infanterie les autres armes. Il apporte ainsi une synergie de complémentarité.

Un soldat doit suivre des règles de comportement spécifiques au pays et à la population de l’endroit où il agit. Les tirs doivent être effectués à bon escient et conformément aux règles de l’opération et au cadre légal. Si un militaire désobéit à ces règles, il risque la prison et la suspension


           Le soldat doit également prouver sa bienveillance et ses bonnes valeurs au contact des habitants. Il va devoir passer du temps, manger et parler avec eux, les aider pour qu’à terme, les relations soient plus fluides et qu’une confiance s’installe. Cela permettra un meilleur contrôle sur les opérations et c’est essentiel en temps de guerre.

            En conclusion, le général Aragones nous a confié que, ce qu’il avait préféré dans ce métier, c’était de pouvoir aider des populations en difficulté. Elles avaient peu de moyens, et pouvoir les aider était le moteur équilibrant les sacrifices nécessaires quand on est soldat. Être éloigné de sa famille pendant des temps de mission plus ou moins longs est difficile, mais se sentir utile et contribuer à faire en sorte que la planète soit meilleure de jour en jour, permet de mieux supporter ce sacrifice.

La grande différence entre le métier de soldat et un autre c’est que pour les différents métiers on peut voir ce que l’on fait. Or le militaire ne sait jamais s’il est assez préparé ! Chacun, à son niveau, gère des petites responsabilités qui garantissent le bon fonctionnement de l’ensemble. Chacun est responsable de la vie humaine.

La vie de soldat, c’est dur, et le quotidien est fait de sacrifices : de son temps, de son repos, de sa famille. Mais aussi de fierté : celle de donner pour une grande cause plus grande que nous et sans rien attendre en retour.

Merci beaucoup au Général Aragones d’avoir pris du temps de nous partager sa passion, et de nous expliquer les méandres du fonctionnement de nos armées avec simplicité et clarté !


Le Général Aragones, entouré des CDSG de Barral à la fin de la conférence.

Synthèse réalisée par Camille NICOLA, Marie FUMEY, Lilou LANZERE, Pâloma CAILLEUX, Thimotée FAURE, Jeanne-Marie JAZE, Lorenzo FARINES, élèves de 2de CDSG de BARRAL.

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